« As the winter winds litter London with lonely hearts », c’est
sur ces belles paroles de Mumford &
Sons, empreintes de mélancolie, que débute mon voyage. Casque sur les
oreilles, nous sommes le samedi 27 septembre 2015, il est 6h30 du matin, le
soleil n’est pas encore levé, et j’attends le métro qui m’emmènera à la gare
d’Oslo. De la fenêtre du métro, je regarde le soleil se lever paisiblement sur
la capitale norvégienne pendant que mon Ipod épuise le répertoire du groupe
anglais. On évoque trop souvent la beauté du coucher de soleil au dépend de son
frère du matin. Pourtant, le lever de soleil, moins accessible aux grands
dormeurs, est un spectacle remarquable à la symbolique plus belle. C’est le
symbole de la renaissance et l’espoir d’un nouveau départ.
C’est désormais du quai de la
gare que je griffonne ces quelques lignes sur mon carnet noir. Alors que se
joue dans mes oreilles la chanson « The
Boxer » reprise de Simon &
Garfunkel par Mumford & Sons,
je continue d’admirer les couleurs fraiches et claires du matin. Le demi-jour
matinal n’a certes pas le romantisme d’un crépuscule du soir, les couleurs
rouges et orangées de la nostalgie et de l’amour perdu, mais son tableau est
tout aussi beau. Le ciel, quand il est découvert, est alors peint de bleu, de
vert et de jaune. Si le bleu domine le ciel dans sa majorité, l’horizon est
bercé de vert et de jaune qui se mélangent. Aux premières lumières de l’aube,
c’est d’abord un vert turquoise qui trace les contours du paysage, ce dernier
sera progressivement taché de jaune à mesure que le soleil fait son
apparition.
Ma place dans le wagon-bar |
Je suis maintenant assis dans la
voiture bar du train qui m’emmène à Stavanger. Le wagon bar n’a rien à voir
avec ceux de la SNCF. De gros sièges beiges, des banquettes en bois, et de
petites tables pour 2 ou 4 meublent l’espace, donnant à la voiture une ambiance
intimiste plus proche du Starbucks anglais que du Relay français. C’est désormais le
deuxième album de Mumford & Sons
qui défile en aléatoire sur mon Ipod. Toujours agréable, ce dernier est cependant
le moins intéressant de la discographie du groupe anglais. Le plus fourni, 15
chansons, il déçoit un peu de par sa ressemblance trop marquée avec le premier
album. A côté de moi, une femme d’une quarantaine d’année, ou d’une trentaine
ayant mal vieillie, tricote ce qui semble être un bonnet pour enfant. Le ciel
est désormais entièrement découvert et
il règne sur la région d’Oslo un ciel bleu comme il est assez rare d’en
apercevoir fin septembre. C’est en ce jour magnifique que j’ai décidé de partir
dans les fjords norvégiens. 7h30 de train m’attendent sur ce qui est l’une des
plus belles lignes ferroviaires du monde, longeant la côte Sud du pays.
De la fenêtre du wagon bar, je
passe d’abord devant des quartiers résidentiels aux maisons-chalets, toutes
identiques, toutes alignées, toutes faites de bois, et toutes colorées comme
c’est la coutume dans les pays nordiques. D’abord les rouges, ensuite les jaunes
enfin les vertes. C’est un vrai bonheur pour les yeux. Je ne comprends
d’ailleurs pas cette rigidité française, qui au nom de la préservation du
patrimoine et du paysage hexagonal, refuse à ses habitants de peindre leur
maison comme ils l’entendent. Les colombages colorés de Colmar ne sont-ils pas
magnifiques ? Préservation culturelle mes couilles ! Manque de
couille ouais ! Une contrôleuse vient me demander de quitter le wagon bar
pour laisser ma place à des clients qui veulent consommer de l’alcool, la
voiture bar étant le seul endroit où cela est permis. « Fuck that shit,
I’m not leaving » sont les pensées qui résonnent dans mon esprit. Ce n’est
pas parce que des poivrots veulent picoler à 8h du matin que je vais quitter
mon siège beige, rembourré, meilleure place du train, honnêtement acquise en
déboursant 6€ pour un muffin et un café. « So go fuck yourself ».
Pour la petite histoire je ne quitterai pas ma place pendant les 7h30 de train.
Victoire personnelle !
La vue du train |
Comme je vous l’ai dit
précédemment, le train longe la côte sud de la Norvège, traversant le pays
d’Est en Ouest. Après la banlieue osloïte, le train poursuit sa route à travers
une forêt de pins. Si le chemin de fer longe bien la côte, il reste cependant
dans les terres, et la mer, que l’on sent proche, ne pourra être aperçue que
dans les derniers moments du voyage. Mais peu importe, le train nous emmène
dans la forêt, qu’une rivière, çà et là, viendra troubler de son cours, et
qu’un lac viendra apaiser de sa tranquillité. Sur mon chemin, je croise de
nombreux petits chalets aux pelouses impeccables, ce qui réveille en moi des
souvenirs d’Astérix, où chez les Bretons, le dernier brin d’herbe est
consciencieusement coupé à la faucille. Je croise aussi sur mon chemin des lacs
recouverts d’une fine couche de fumée (de brouillard), ces petites gouttelettes
d’eau en suspension dans l’air, prémices d’une journée ensoleillée. Un
norvégien, aux airs de cowboy, avec la barbe et le chapeau d’un Cullen Bohannon
dans Hell on Wheels, vient de s’assoir en face de moi, rompant ainsi la bulle
de tranquillité dans laquelle je me trouvais. Il mange un hot dog à 7€, pas
plus long que sa main, plat commun ici en Norvège et vendu dans tous les
Narvesen, épiceries peuplant le moindre coin de rue. Si la majeure partie du
voyage a pris des allures de paysages helvètes, les derniers instants
ressemblent étroitement à l’Irlande. On entrevoit enfin la mer et des falaises surplombées
de grandes prairies que les montons broutent inlassablement.
Sur le port de Stavanger |
J’arrive à 15h à Stavanger, 4ème
plus grande ville de Norvège (130 000 hab). La ville, au sud-ouest du
pays, est considérée comme la porte d’entrée des fjords norvégiens. A l’instar
de San Francisco, qui ouvre le chemin de sa baie, Stavanger ouvre la voie de
son fjord, premier fjord méridional de Norvège. Pour ceux qui l’ignoreraient,
un fjord est une vallée unique érodée par un glacier avançant de la montagne
vers la mer, qui a été envahie par la mer depuis le retrait de la glace. Les
fjords sont donc d’anciennes vallées glaciaires que la montagne a abandonnées.
Ces vallées que la glace a creusées sont donc sous le niveau de la mer
permettant à cette dernière de s’inviter à la fête. Et par la même, il n’est
pas rare que l’embouchure d’un fjord soit moins profonde que le reste.
Assis sur le port |
Il est 19h et je vous écris ces
quelques lignes du port de la ville (photo ci-dessus), assis sur les immenses
pneus qui empêchent paquebots et ferrys de frotter les berges. J’écoute ce bon Jacques Brel, mais des chansons moins
mainstream comme « La chanson des
vieux amants », « Le diable
(ça va) », « L’air de la
bêtise », « Qu’avons-nous
fait, bonnes gens » ou encore, ma préférée d’entre toutes, « Heureux ». J’ai vite fait le tour
de la ville qui, comme Oslo, est principalement pavillonnaire dès que l’on
s’éloigne du centre-ville. La différence avec Oslo est que le centre-ville,
certes bien plus petit, à une cohérence architecturale appréciable. Star de la
ville, il est composé d’une quinzaine de rues piétonnes, principalement
encombrées de boutiques, et dont 2/3 valent le coup d’œil, comme la rue Øvre
Holmegate, bordée de maisons aux couleurs flashy allant de la devanture orange
et fenêtres vertes à la devanture violette et fenêtres jaunes.
Øvre Holmegate |
La nuit est tombée sur Stavanger
et me voilà réfugié dans un bar de la rue Øvre Holmegate. Petit bar avec
terrasse extérieur (sur la rue) et terrasse intérieure (petite cours), Bøker
& Børst a des allures de pub anglais cosy et intimiste où l’on vient
prendre son scone et son « tea » pour se réchauffer du froid. A l’intérieur,
on y commande des produits maisons et organiques auprès de deux jeunes
demoiselles très sympathiques postées derrières un comptoir en bois. On s’y
assoit au choix autour de petites tables en bois pour deux, dans des
compartiments pour quatre avec banquettes en bois et léger rembourrage ou, pour
les solitaires comme moi, sur un tabouret accoudé à un comptoir, encore de
bois, donnant sur la rue.
Moi, mon cookie, mon thé, ma bougie, ma lettre |
Les lumières sont tamisées, des bougeoirs rose et
vert dans un style marocain reposent sur chaque table, des fleurs peuplent
l’espace et la musique est calme et entrainante dans un genre folk et
rock’n’roll allant des Beatles à Bob Dylan en passant par Elvis et Peter Sarstedt avec sa chanson
« Where do you go to my lovely ». Dans un coin, une Joconde, de
face, en noir et blanc, peint elle-même la moitié de son cadre en rouge. Le bar
possède une liste impressionnante de bières bouteille, ainsi que du
Côtes-du-Rhône pour les amoureux de vin, mais j’opte personnellement pour un
thé au prix abordable (27 kroner soit 3€).
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