lundi 5 octobre 2015

The Modern Age



Comme chacun sait, la Norvège offre des paysages parmi les plus impressionnants et les plus beaux du monde. Trois randonnées sont réputées pour l’extravagance de leur sommet. La première, la plus longue (8 à 10h aller-retour), se prénomme Trolltunga, ou « la langue du Troll », et au sommet on peut marcher sur un rocher (un peu comme celui du Roi Lion) qui domine de plusieurs centaines de mètres l’un des nombreux fjords du pays. La seconde (4 à 5h aller-retour) se prénomme Kjerag, et est constituée, à son sommet, d’une pierre de granite coincée entre deux falaises. La dernière (3 à 4h aller-retour) se prénomme Preikestolen et voici le récit de la journée qui m’a conduit au sommet de cette dernière.

A ceux qui aimeraient s’y rendre, je dois les avertir qu’après le mois de septembre, pour des raisons de sécurité, ne pouvant pas fermer la montagne, la région de Stavanger ne met plus aucun transport en commun à disposition pour se rendre au pied de la randonnée. Avant cette date, pour s’y rendre de Stavanger, il faut prendre un ferry d’environ 40 minutes en direction de Tau, puis un bus de 25 minutes pour accéder au chemin de l’ascension. Je me lève donc à 7h afin de prendre le ferry au lever du soleil. La fleur au fusil, j’arrive à 7h50 au port de Stavanger. Malheureusement le ferry est parti à 7h30 et le prochain, nous sommes un dimanche, est à 9h. Je prends donc le temps de me poser et de vous écrire ces quelques mots, toujours assis sur les immenses pneus qui bordent les quais du port. Devant moi se trouve l’embouchure du fjord et un grand pont la traverse. Je me trouve vis-à-vis de ce dernier, faisant face à l’Est et au soleil levant. Mes lunettes de soleil bien en place, j’observe le magnifique lever de soleil qui annonce une journée radieuse. Le soleil se trouve quelques centimètres au-dessus du pont, créant ainsi une éphémère zone d’ombre là où je suis assis à mesure que les camions traversent le pont. J’accompagne ce spectacle calme et paisible d’une musique tout aussi tranquille. Ce matin c’est donc Neil Young qui me tient compagnie. « Out on the weekend » ouvre le bal, suivie par « Alabama », « Heart of Gold » et ma préférée « After the gold rush ». 

Lever de soleil sur le port

 Le voyage aller-retour (ferry + bus) me coûte 250 Kr soit environ 27 €. Me voilà donc à bord du ferry, soulevé par le vent et assistant au spectacle magnifique d’un soleil, désormais levé, légèrement voilé, qui dessine de son éclat le contour des montagnes avoisinantes. Le cœur léger et l’esprit libre, je me sens l’envie de donner un peu de peps à cette journée, je lance donc un peu de Prince dans mes oreilles, « Alphabet Street », « When does cry » et « When you were mine » m’accompagnent pour la fin du trajet. 

Le trajet jusqu'à Tau

Pas de musique pour l’ascension à Preikestolen. Je préfère me retrouver seul avec mes pensées et suivre le rythme de mon souffle de toxico qui essaye désespérément de faire rentrer et sortir de l’air pur. Quand j’entends des français, je m’amuse à marcher derrière eux, écoutant inlassablement le fil de leur discussion. C’est très amusant ! La randonnée est tout à fait agréable, traversée en de nombreux endroits par des ruisseaux, elle est constituée de planches de bois sur les zones de plats, pour éviter de s’enfoncer dans la vase, et d’escalier de pierres naturels pour la montée. A mi-parcours, où je m’arrête pour vous écrire, on bénéficie d’une vue splendide sur la vallée, le fjord n’étant pas encore visible. Les deux françaises que je suivais, dont une est enceinte (est-ce bien raisonnable mademoiselle ?), lancent d’ailleurs un « majestueux » en arrivant sur cette étape de mi-parcours. Sur ce, je lance un simple « en effet » avant de les abandonner. Vous noterez sur cette photo la chance incroyable que j’ai au niveau du temps, et je ne vous le fais pas dire, puisque des journées comme celle-là, il y en a pas plus d’une trentaine dans l’année. 

Etape de mi-parcours

Me voilà enfin arrivé en haut. Et quelle merveille ! Dans ma vie de baroudeur, j’ai vu des temples, des palais, des tombes, des ponts, des opéras, toutes sortes d’édifices somptueux bâtis par l’homme, mais rien ne peut surpasser la beauté de la nature. Quand la nature dessine ses courbes de la plus belle des façons. Et quelles courbes ici à Preikestolen. Une falaise de 600 mètres, plongeant dans un fjord. En haut de cette falaise, une plateforme de granite de 500 m2 qui se décroche de la montagne pour surplomber l’ancienne vallée glaciaire. Ce bloc de granite, taillé il y a 100 000 ans, est fissuré sur une bonne moitié, là où la montagne dit « stop je m’arrête ici ! ». La légende veut que ce plateau se décroche de la montagne lorsque sept sœurs se marieront à sept frères de la région, anéantissant toute vie dans les environs. La probabilité semble donc faible, on est tranquille ! C’est sûrement la plus belle chose que j’ai vu de ma vie. Et je n’ai pas vu le grand cayon qui devrait prendre la première place. Le temps est assurément le plus des grands bâtisseurs et offre les belles constructions. 

L'arrivée sur le site
  
Il ne faut pas 2h pour monter comme tous les guides (papiers) s’accordent à le dire. J’ai mis 1h30 en m’arrêtant constamment pour prendre des photos. Il faut croire qu’il suppose que tout le monde est chinois. Et me regardez pas de travers, c’est un fait ! Sans s’arrêter, ce qui serait stupide, il faut 1h tout au plus. Et c’est quelqu’un qui fume 15 clopes par jours qui vous le dit. Bref, il faut pique-niquer sur le trajet pour mettre deux heures. Et encore à la vitesse à laquelle nous mangeons dans la famille, le compte n’y serait même pas. 

Le fjord

A l’heure où j’écris ces quelques lignes, je surplombe le plateau de granite et je me suis gardé le meilleur à écouter pour profiter de ce paysage, Room on fire des Strokes, mon album préféré de mon groupe favori. Et dans l’ordre l’album s’il vous plait. Un album qui commence par « I want to be forgotten, and I don’t want to be reminded », douce ironie au vu de ce blog ! Si on trouve des masterpieces dans Is this it ?, leur premier album, et même dans First Impressions of Earth, leur troisième album, Room on fire est le plus cohérent, le plus entrainant et le plus mémorisable grâce à des mélodies très rythmées. Et ce dernier point est important quand on sait que je chante allégrement leurs chansons à voix haute. Vous me direz j’ai les paroles de toutes leurs chansons dans les notes de mon Iphone…

“Yeah, they were just to fucks in lust
Baby that just don’t mean much
You trained me not to love
After you taught me what is was”
                                                   Meet me in the bathroom 




Surplombant la foule et écoutant les Strokes

Comme je suis toujours en train de vous écrire du haut de cette colline et que l’album vient de se finir, je vais enchainer avec Is this it ?. En réfléchissant à la suite de ce journal de bord, je me suis d’ailleurs pris à battre la mesure de The Modern Age avec mon crayon sur le petit carnet noir. Il faut dire que les premières paroles de la chanson sont quand même adaptées à la situation « Up on a hill ». 

Petite course de bateaux dans le fjord

Une petite course de bateaux se déroule tranquillement dans le fjord. C’est vrai qu’autant profiter d’un beau cadre pour s’adonner à un exercice de vitesse. Les voyageurs défilent maintenant en masse sur le plateau de pierre à mes pieds, nombreux sont ceux qui ne font que passer, certains passeront cependant 3h devant la télé ce soir mais ne s’attardent que 5 minutes devant cette merveille de la nature. Je ne comprends pas. J’ai appris avec le temps que voir ne suffit pas. Il faut prendre le temps de regarder l’endroit, d’observer sa particularité, d’admirer sa précision. Face à un tel paysage, on ressent presque l’inutilité de prendre des photos. On en prend bien sur quelque unes pour les souvenirs, bien que l’endroit soit suffisamment ancré dans notre esprit quand on prend le temps de l’observer et de se poser. La photo n’a un réel sens que quand elle met en valeur quelque chose ou quelqu’un. Quand c’est déjà parfait, et que sous n’importe quel angle la photo sera réussie, alors l’appareil est inutile. 

Plus de hauteur pour un nouvel angle

Nouvel angle pour analyser le phénomène (sur)naturel. Les ferrys, peu nombreux, continuent de défiler laissant derrière eux, comme seule perturbation à la tranquillité du fjord, une éphémère trace blanche. L’inspiration de ce nouveau paragraphe vient de Ben Howard, dont les berceuses à la voix angélique, sont parfaitement adaptées à la sérénité de l’endroit. Derrière moi, le rayonnement du soleil est constamment perturbé par d’imposants nuages. Le ciel étant encore relativement clair au-dessus de la partie la plus avancée dans les terres, l’eau y est bleu ciel, le fjord jouant alors son rôle de miroir céleste. Ce que je suppose être un petit malin, car il faut avoir la connerie inhérente à l’homme (avec un petit H), fait voler un drone au-dessus du vide, qu’il télécommande de la plateforme. Et merde ! Le temps d’écrire ces quelques mots, le drone a disparu. Deux solutions : soit il est tombé, soit il l’a récupéré. Je vois beaucoup de gens penchés au niveau de l’hypothétique impact de l’appareil. Cependant impossible d’en déduire quoi que ce soit car beaucoup de personne le font tout le temps. Oui maman je l’ai fait aussi ! Et c’était décevant ! En tout cas, j’espère qu’il est tombé et que d’autres personnes ont pu profiter d’un nouveau spectacle de la stupidité humaine. Nouvelle victoire de la nature. Victoire plus marrante et plus subtile qu’un Tsunami, vous en conviendrez. 

Comme un air de Cévennes

Au sommet de la montagne, on trouve beaucoup de gros rochers de granite (photo ci-dessus) qui ne sont pas sans me rappeler l’altiplano Cévenole où je passe la plupart de mes étés. Je vous invite d’ailleurs à venir passer des vacances dans les Cévennes, qui sont pour moi, grand routard français et européen, le paradis sur terre. Venez visiter la sous-préfecture Lozérienne, Florac, mais ne venez pas nombreux car il s’agirait pas que l’endroit perde de sa tranquillité, qui est, avant toute chose, le gros atout de la région. 

Les planches de bois que je mentionne plus haut

Papa, Maman, y’a plein de garçons qui vont très près du bord !!!! Sérieusement, les morts ici ne sont pas si exceptionnelles et une fût expérimentée 3 semaines auparavant. Avant cela, et d’après les rapides recherches morbides que j’ai faites, il y en aurait eu en 2007, 2008 et 2013 (suicides pour 2007 et 2008 et mort accidentelle pour 2013). 2015 est donc un bon cru, que je tenterais de ne pas perfectionner en descendant. Une tâche qui s’annonce plus difficile qu’il n’y parait au vu des nombreux ruisseaux qui traversent le chemin, rendant le granite très glissant, quand le chemin n’est pas carrément la source du ruisseau. Rassurez-vous, si un paragraphe suit ce dernier, je suis toujours en vie. 

Moi, ma réussite, mon gâteau, mon thé, mon carnet 

De retour à Stavanger, après un petit Mcdo, car c’est le moins cher pour bouffer en Norvège, me revoilà dans le bar de la vieille. J’entre dans le café qui passe alors la chanson « The only living boy in New York » de Simon & Garfunkel, bande originale de l’excellent Garden State. Comme la veille je reprends du thé que j’accompagne cette fois d’une part de gâteau, un Homemade Chili Chocolate Guinness Cake (oui oui y’a de la Guinness dedans, et c’est très bon). Ayant de nombreux jeux de société à disposition (Monopoly, Echecs, Dames, Othello, Cluedo, Aventuriers du Rail, Risk, cartes…), mais étant seul, je m’adonne à une petite réussite, griffonnant çà et là quelques lettres pour entretenir quelques relations épistolaires. Lors de mon passage dans le café, j’écoute avec plaisir The Shins et Cat Stevens que le DJ nous offre à écouter.

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